Manger La Vie

J'ai eu mon rendez-vous hier avec l'infirmière d'accueil de la clinique. Super bien passé, très bon contact. Une infirmière très à l'écoute, j'espère l'être autant pour mes patients. Elle m'a orienté vers un psychiatre spécialisé dans les troubles du comportement alimentaires, au CHU. Mais le rendez-vous proposé par le secrétariat était bien trop loin... 22 avril. J'ai cru que j'allais m'effondrer... J'ai d'ailleurs eu un petit moment de panique, la larmichette n'était pas loin. J'avais déjà attendu trois semaines pour ce rendez-vous là. Certes, je suis malade depuis cinq ans, alors une semaine de plus ou de moins... Mais j'ai peur de retomber dans une mauvaise dynamique si je ne suis pas rapidement suivie sur le plan médical... Elle a donc envoyé un mail au médecin lui-même en lui expliquant la situation. Le mail faisait un peu peur genre "urgeeeeeennnce"... Je me suis sentie un peu pitoyable, mais bon.

Le médecin a été réactif. J'ai rendez-vous vendredi à 9 heures, ça tombe très bien je suis du soir. D'avoir ce rendez-vous, j'ai déjà l'impression d'avoir pris trois kilos… Je me sens grosse, j'ai l'impression qu'il ne va pas me prendre au sérieux. Du genre, mais pour qui elle se prend celle là, elle demande un rendez-vous en urgence comme ça ? Y'a les urgences psychiatriques hein, ça existe, pour les vraies urgences… Mais je ne vais pas me suicider. Je ne suis pas au bord du gouffre prête à sauter. Mon gouffre à moi, j'y suis plongée depuis cinq ans, il s'accélère par moment, ralentit à d'autres, mais ne finit jamais. Alors oui, certes, j'aurai pu attendre le 22 avril. Mais n'aurais-je pas replongé d'ici là ? Mon père m'aide quotidiennement heureusement. Même si je sais qu'il le fait de bon cœur, je me sens un peu coupable par rapport à ça également. La semaine dernière je lui ai offert deux jours de répit mais on a vu le résultat… J'ai peur d'avoir grossi, c'est bête mais je me dit que si vendredi j'arrive à un poids supérieur à celui que lui a annoncé l'infirmière dans le mail, il ne va pas me prendre au sérieux. « Ah tiens, on m'avait dit 39.2 kilos, en fait elle en fait 40, c'est pas si grave finalement. Au revoir mademoiselle. Et je ne vous remercie pas d'avoir pris de mon temps si précieux. » Mais j'ai aimé sa voix sur le répondeur, c'est lui-même qui a appelé. Il avait une voix sereine, calme. Il va falloir batailler aujourd'hui et demain. Ne pas me laisser aller à ne plus manger car j'ai ce rendez-vous. Me forcer. Apprécier. Oublier. Ne pas se focaliser. Mais j'ai vraiment l'impression d'avoir grossi. En un jour oui oui.

Je me regardai dans le miroir tout à l'heure, après ma sieste réparatrice (que j'ai bien apprécié, sans culpabiliser de ne rien faire ! Eheh, oui j'étais levée depuis cinq heures 30 du matin quand même…), j'étais en short et soutien-gorge et je regardais mon ventre. Mes hanches. Je me trouvais grosse. Et pourtant je voyais les os de mes hanches ou encore sur les côtes. J'ai pensé fort à mon père, mon futur petit bébé à moi, j'ai pris un goûter. Pour lui. Pour le nourrir, des années avant. « allez Marie, ce n'est pas toi que tu nourris, c'est le futur bébé, que pour l'instant tu ne peux pas avoir... » Pourquoi ce n'est pas moi que je nourrissais ? Pourquoi moi, juste moi, je n'aurais pas le droit ? Je ne sais pas… L'ais-je vraiment mérité ?Mais a-t-on besoin de mériter ce qu'on mange ? J'ai donc pris un goûter, en plus j'avais un petit creux. Et ce soir j'ai envie d'aller au step, c'est un plaisir, ça me vide la tête (et puis je suis trop forte au step!), alors je me suis forcée à prendre un petit quelque chose. Pas trop gros, quelque chose qui ne me ferai pas trop culpabiliser et ne pas manger le soir. J'ai pris avec mon thé deux figues séchées (bien sucré tout ça, coup de fouet pour le cerveau!) et un petit gâteau sec à la noix de coco. J'en avais sorti deux (ils sont petits) mais le deuxième je n'y suis pas arrivée.

Je l'ai pris en essayant de ne pas penser à tout ça quand je mangeais. Ca s'est plutôt bien passé. Ce soir, on verra bien ce que j'arriverai à faire...