Manger La Vie

Chiller: mot qui vient de l'anglais «chill» qui veut dire «froid, frais» et «chill out» veut dire «se détendre». En français, chiller signifie donc se relaxer, se détendre, se reposer, prendre du bon temps. ne rien faire. Autant dire que c'est un mot qui m'était inconnu. Le chill pour une personne souffrant d'anorexie, c'est interdit. C'est le diable, il faut s'activer, bouger, faire du sport ou avoir une activité mentale intense sinon. Prendre du temps pour soi, faire la grasse matinée, lire un livre plaisant, se faire un masque du visage, écouter de la musique... On n'a pas le droit, la maladie l'a interdit, banit de notre vie. 

Alors, comme on a réapprit qu'il fallait manger régulièrement pour vivre, on va réapprendre ça aussi. Le plaisir de ne rien faire. Au début c'est forcé, car le médecin nous a interdit de faire trop de sport. Deux séances par semaine, quand on en faisait 5, c'est un gros sevrage. Ce n'était pas dur pour moi de trouver d'autres activités, mais ne rien faire du tout, pendant un long moment, voire une journée, ça m'était quasiment impossible. Et puis en se forçant, on découvre que c'est plutôt agréable. Que si les choses ne sont pas faites aujourd'hui, et bien ce n'est pas grave elles seront faites demain. On apprend ainsi la procrastination. On apprend surtout à ne pas s'en vouloir, à être plus indulgent avec nous même. 

On se rend compte que les gens ne font pas des heures de sport par semaine, que beaucoup font la grasse-matinée le dimanche, et qu'ils ne sont pas pour autant obèses. On fait face à cette fausse-croyance.

Mais le réel plaisir du chill, je l'ai retrouvé à deux. Car ne rien faire tout seul, ça peut être sympa, mais passer une journée de détente à deux c'est encore plus cool. Mon amoureux est un as du chill, de la détente, du laisser-aller. Du farniente. Il n'y a pas longtemps, nous avons chillé ensemble, c'était un dimanche après une grosse semaine. Nous nous sommes levés autour des neuf ou dix heures, avons été cherché du pain à la boulangerie, déjeuné tranquillement. Et puis il ne faisait pas beau, aucune envie de sortir, nous sommes restés au chaud. Après être remonté pour se brosser les dents, il s'est rallongé, nous n'avions même pas encore pris de douche et je suis venue me blottir dans ses bras. Nous sommes restés sur le lit à discuter, rire, lire. J'ai amené mon ordinateur et j'ai envoyé quelques mails importants pour l'association dont je fais part. Puis au bout d'un moment nous avons décidé de ce que nous allions faire de l'après-midi, quand même... Après avoir déjeuné (très tardivement), nous sommes allés voir une exposition puis au cinéma. J'ai apprécié cette journée, enfin je me suis détendue totalement. A ses côtés, je n'avais pas besoin de plus, la maladie était loin, très loin ce jour-là. A la fin de la journée je me suis dit ou plutôt la petite voix de l'anorexie m'a soufflé « dis donc, Marie, tu n'as rien fait aujourd'hui, tu te relâches un peu... » Ce à quoi j'ai répondu intérieurement « Eh oui tu vois, une bonne journée à ne rien faire, tu peux t'en aller je n'ai plus besoin de toi. Et d'ailleurs, tu te trompes je n'ai pas rien fait. Certes, je n'ai pas fait de sport, je n'ai pas travaillé, pas fait de ménage ou de rangement (l''appartement est un peu en désordre et alors?), mais j'ai fait plein de choses au final. J'ai profité de mon chéri, j'ai partagé des supers moments avec lui, nous avons ri, cuisiné, été voir une jolie exposition et un film. La journée ne se remplit pas qu'avec toi. D'ailleurs les journées ne se rempliront plus jamais avec toi. »